mercredi 13 août 2008

Variations sur le thème du changement

L'article ci-après présente 4 petites illustrations sur la conduite du changement : 1- vu sous l'angle du management 2- avec le point de vue des "victimes" 3- de façon humoristique 4- enfin, un court résumé des dispositions conseillées pour mettre en oeuvre les changements avec succès.
Réussir le changement
Xavier, le responsable informatique, questionna Phylis, la directrice commerciale : « comment ça se passe ? ». Tous deux mangeaient à la cantine et Xavier parlait évidemment du changement de réseau téléphonique, qui était la grande affaire d’actualité en ce moment dans l'entreprise.
« Une véritable catastrophe. Tout est changé, nos n°s préprogrammés sont perdus. Les gars se découragent. Il faut que tes techniciens interviennent très vite ! ».
« Je suis submergé, avoua Xavier, je n’avais pas prévu de telles difficultés ».
Phylis rétorqua sentencieusement : « le changement, ça se prépare et ça s’organise, sinon c’est l’échec assuré ».
« Comment t’y serais-tu prise ? » requestionna Xavier.
« Première étape, évaluer les difficultés de la chose : tu aurais dû tester au préalable, toi-même puis avec un néophyte. Tu aurais alors pu mieux estimer les moyens à mettre en œuvre. »
« Je l’ai fait, protesta Xavier, et j’ai conseillé à Charles (le PDG) d’attendre, mais il n’a rien voulu entendre et il m’a dit de me débrouiller ».
« Tu es encore inexpérimenté. Avant de te lancer, il te faut définir une stratégie gagnante : lorsque le CODIR a décidé la migration, tu aurais dû mieux analyser leurs points de vue. Je crois qu’ils pensaient que le changement était simple et ils voulaient profiter du calme de la période d’été. En t’opposant à eux frontalement, ils ont eu l’impression que tu n’avais rien compris et ils ne t’ont pas écouté. Tu serais venu les voir avec un dossier bien étoffé montrant tous les problèmes que cela entraînerait et tu aurais eu gain de cause. Tu devrais venir un peu au commercial. C’est comme cela que nous faisons, nous ne partons pas de nos idées mais de celles du client. »
« Tu as raison, maugréa Xavier, je me suis emporté et je n’ai pas assez argumenté. J’aurais dû davantage les écouter. Maintenant, je suis coincé… ».
« Penses toujours « motivation », continua Phylis, pour réussir, le mieux est de créer l’envie de réussir chez les autres »
« De ce côté-là, ce n’est également pas vraiment le succès concilia Xavier. Le Bureau d’études ne veut en particulier pas entendre parler des nouveaux appareils. Que faire ? »
Phylis sourit : « Tu aurais pu mieux organiser le transfert : planifier clairement, beaucoup communiquer, organiser précisément les interventions et les formations dans les services. Les gens auraient été rassurés, tout se serait passé dans l’ordre et les résistances auraient été minorées. »
« Et l’appui de la Direction t’aurait permis de décider les mauvais coucheurs », conclut-elle.
« C’est sûr. J’ai un peu tout gâché par imprévoyance et défaut d’organisation. Mais, ajouta-t-il, pensant trouver la faille dans la véritable leçon de Phylis, que faire en cas de résistance directe comme dans le cas du BE ? »
« D'abord, constates que la résistance au changement est légitime : les personnels quittent un fonctionnement qu’ils connaissent bien pour entrer dans l’inconnu, avec la somme d’efforts et de problèmes que cela implique. Mais si tu te mets à leur place et les aides, en les suivant, en adaptant les systèmes à leurs besoins… alors ce sera plus simple pour eux. Et plus c’est simple pour eux, plus c’est simple aussi pour toi. »
« Avec toi, tout paraît facile, renauda Xavier, j’aimerais bien que tu sois à ma place… »
Il était 14 h. Ils se quittèrent sur ces mots.
Le changement : NON !
Jo écoutait distraitement Claudie et Vickie, les secrétaires du Bureau d’Études :
« Xavier (le responsable informatique) est encore venu, disait Claudie. Il veut absolument qu’on essaye son nouveau système téléphonique. Je lui ai dit que je n’en voulais pas : les touches ne sont plus les mêmes, je n’y comprends rien et je n’ai pas envie de passer ma vie à réapprendre à téléphoner. Je trouve les appareils actuels très bien ».
« Oui, mais tout le monde reçoit les nouveaux appareils. On va devoir y passer. C’est une décision de la Direction », remarquait Vickie, plus raisonnée.
« Ils nous embêtent à la fin ! s’énervait Claudie. Et puis, Eric, le chef du BE ne nous a rien dit. Tant qu’il ne décide rien, je ne ferai rien ! »
« Je suis d’accord avec toi ! Tout cela coûte cher, ils feraient mieux d’augmenter nos salaires ! ».
De fait, les appareils neufs stagnaient encore dans un coin de l’entrée, non déballés, lorsque Charles, le PDG, vint à passer, à la recherche d’un renseignement.
Il s’étonna : « vous n’avez pas encore mis en service les nouveaux téléphones ? ».
Eric s’excusa « nous n’avons pas eu le temps. Trop de travail ! ».
« Mais, dans une semaine, vous ne pourrez plus téléphoner, le système mutera ! » indiqua Charles.
Eric réfléchit : « nous sommes complètement saturés jusqu’à Vendredi. La seule solution est qu’on vienne le week-end, sinon on sera paralysés lundi ! »
Il espérait de la compassion ­­-et accessoirement une prime- mais Charles rétorqua sèchement « débrouillez-vous ! »
Le week-end fut long, tout le samedi passa à changer les appareils et à mettre au point le réseau.
Le lundi, personne n’était prêt. Les n° pré-enregistrés avaient disparu et tout le monde était à la recherche d’un annuaire qui n’avait jamais existé.
Xavier se gardait bien d’intervenir. La leçon fut toutefois bonne. Phylis, qu’il rencontra au repas lui confia qu’Eric lui avait dit qu’on ne l’y reprendrait pas…
CHANT-JEU-MENT
Si on s’intéresse à l’étymologie du mot « changement », la réponse vient tout de suite à l’esprit : il est l’assemblage des trois mots : CHANT de chanter, JEU de jouer et MENT de mentir. D’aucuns prétendent que ce n’est pas CHANT de chanter mais CHAMPS de « champs de maïs » ou de « champs de course », mais ce n’est absolument pas crédible et nous ne le retiendrons donc pas.
Commençons par le dernier : MENT de mentir. Dans ce sens, le changement est une illusion. Comme le dit la maxime « plus ça change et moins ça change » ou, variante, « plus ça change et plus c’est la même chose ». Ceci s’applique en particulier à la politique, où les gouvernements changent mais les assujettis restent toujours les mêmes, et les discours se répètent : « les temps sont durs, les sacrifices s’imposent… » Le changement s’y fait dans la continuité. Seuls les changeurs changent.
Dans le « JEU », on change pour changer. Ceci s’applique aux Cabinets d’organisation qui arrivent et trouvent que tout va mal. On réorganise alors toute l'entreprise d’une autre façon. Les départements fonctionnels deviennent opérationnels et vice-versa. Cela va ensuite aussi mal mais les ennuis ne sont plus les mêmes. Le changement s’apparente alors à un jeu de carte qu’on bat et rebat, sans modifier les cartes. Le grand plaisir y est d’empoisonner les autres.
« CHANT » s’adresse à ceux qui ne tiennent pas en place. Ils changent constamment de voiture, d’appartement, de maîtresse… La vie est pour eux une aventure. Le changement les enchante, la monotonie les énerve. Les suivre est extrêmement fatiguant. Ils donnent le tournis aux plus calmes.
Comme on le voit, le mot « Changement » recouvre tout un monde de concepts et de comportements.
Ce sera tout pour aujourd'hui.
La conduite du changement Les recettes du succès
La conduite du changement est toujours difficile, car elle cumule les difficultés : le risque technique d'abord, dû à la nouveauté du système à mettre en place, qui peut avoir des défauts, des pannes, des inadaptations…, ensuite le risque humain car, autour du système technique, il y a les hommes qui doivent s’adapter, se former, modifier leurs habitudes et leurs comportements, et il y a forcément des résistances… Le succès repose donc sur deux enjeux majeurs : la réussite technique du projet d'une part, la gestion psychologique du changement d'autre part. L’action doit porter sur ces deux dimensions.
Résumons quelques règles simples à respecter pour réussir :
1- Préparer soigneusement : l’objectif est d’anticiper au maximum les problèmes et de définir la stratégie gagnante :
a- Évaluer le projet technique, son organisation, les moyens à mettre en œuvre (en incluant la formation des acteurs, la rédaction des guides et méthodes nécessaires…), les risques associés et leur prévention possible (solutions de secours, marges, réserves…) de façon à préparer un plan de travail adapté, prévoyant des moyens suffisants et tous les travaux nécessaires.
Si on ne dispose pas de tout ce qui est idéalement nécessaire, adapter au mieux le dispositif dès le départ (cela vaut mieux que de devoir boucher les trous ensuite).
Il faut faire en sorte que le projet technique se déroule déjà le mieux possible. Si les matériels fonctionnent mal, si les formations ne sont pas prêtes en temps utile, si la documentation est inexistante…, les résistances seront amplifiées et le projet deviendra d’autant plus difficile à mener à bien.
b- Sous l’aspect psychologique, commencer par consulter largement les acteurs (responsables, leaders et personnel), évaluer leurs besoins détaillés et adapter au mieux le projet. Il vaut largement mieux répondre aux demandes qu’imposer, et cela permettra de bien coller au terrain. Les chances de succès en seront multipliées.
Évaluer au passage les positions et les motivations des différents leaders et en déduire une stratégie gagnante, en jouant sur les motivations, voire en créant ces motivations par des enjeux (challenge, prime…). Pour réussir, le mieux est de créer l’envie de réussir chez les acteurs.
c- Organiser soigneusement les travaux. Ne pas hésiter à faire réaliser les guides et méthodes utiles pour faciliter la prise en main du nouveau système.
2. Suivre et adapter : rien ne se passe jamais comme prévu : des problèmes techniques vont survenir, des usages imprévus vont apparaître, des résistances psychologiques vont se manifester … Il faut suivre, résoudre et aider :
Naturellement, résoudre les ennuis techniques.
Assister les acteurs, entretenir un dialogue permanent. Une hot-line, des compléments de formation, des guides d’utilisation ciblés… peuvent être nécessaires pour faciliter la prise en main du nouveau système. Ne pas lésiner sur ces aides : on s’aperçoit couramment que, sans cela, seule une infime partie des possibilités des appareils seront réellement utilisées faute de formation suffisante des opérateurs. L’investissement n’est alors pas rentabilisé.
Surmonter les oppositions, si possible par des stimulations positives (encouragements, challenges…) et sinon par des sanctions. Il ne faut pas laisser les « géneurs » perturber l’ensemble.
3. Dresser un bilan final, lorsque tout fonctionne bien. Cela valorisera les efforts fournis, confortera le fonctionnement du nouveau système et, accessoirement, renforcera votre propre position.
CD