mardi 20 mai 2008

Responsable qualité : quelle valeur ajoutée ?

Dans toute collectivité —et donc notamment dans l’entreprise— une activité est reconnue essentiellement en fonction de sa valeur ajoutée pour la collectivité. Une cuisinière est appréciée à la saveur de ses plats, un ingénieur à la valeur de ses réalisations, un chef à sa capacité à bien réguler son groupe. Si c’est le cas, l’intéressé est respecté, sinon il ou elle sera contesté(e). Cette reconnaissance n’est pas toujours « institutionnelle », lorsqu’il n’y a pas de système de récompenses des efforts et des mérites, mais elle est toujours au moins morale, par les collègues et collaborateurs. Et c’est cette estime « morale » qui permet à chacun de trouver son rang dans le groupe, d’avoir une certaine autorité, et généralement les moyens de son action. Le responsable qualité n’échappe pas à cette règle et, lorsqu’il a du mal à s’insérer dans l’entreprise, il faut qu’il se pose sérieusement la question de la valeur ajoutée qu’il apporte, comparée aux efforts qu’il demande. Pour progresser, il doit chercher à améliorer la première. Un cas type : lorsqu’il est surtout chargé d’obtenir le certificat puis de le maintenir. La certification apporte par elle-même un « plus » commercial à l’entreprise mais, en interne, elle signifie plus de papiers et plus de formalisme. La VA visible est donc faible. Dans quels domaines peut-il renforcer cette valeur ajoutée ? Il n’y a que le choix : · Ce n’est pas le plus noble mais c’est souvent le plus utile : il peut renforcer les contrôles et audits dans les domaines où on constate des déficiences. Ce sont en effet les erreurs ou fautes commises par les uns qui « pourrissent » en premier lieu le travail des autres : on compte sur la machine mais celle-ci est indisponible parce que la maintenance n’est pas intervenue comme prévue, l’étude n’est pas terminée à temps et force à reporter les travaux qui suivent, la commande comporte des erreurs sur les prix… Si chacun réalise bien ses propres travaux, finit bien, documente bien, range bien… le travail de tous se rapproche vite du bonheur… · Il peut ensuite se pencher sur les dysfonctionnements patents de l’entreprise : conflits entre services, mauvaise planification et coordination, mauvaise organisation de certaines activités, formalisme excessif qui fait perdre du temps, gestion démotivante des ressources humaines … C’est déjà plus difficile mais la valeur ajoutée accessible est considérable et tout responsable qualité a intérêt à quitter le strict contrôle pour passer à ce stade… Il lui faut par contre parfaire sa compétence car la tâche devient ardue. Listons quelques aspects à bien maîtriser : · D'abord acquérir une compétence minimale dans le domaine à améliorer, de façon à devenir un interlocuteur valable pour les différents acteurs et à éviter les erreurs. Il ne s’agit pas de devenir un spécialiste, mais de bien cerner les traits essentiels de l’activité, ses risques, son organisation et ses méthodes, sa terminologie… Pour cela on lira les rapports d’activité, les bilans financiers, éventuellement des documents de fond, les méthodes et procédures, la réglementation applicable, etc… Par exemple, si le secteur commercial est concerné, on s’informera de l’organisation du service, de la situation des principaux clients, des incidents, des procédures de passation et de suivi de commande, etc… · Ensuite bien maîtriser les techniques du diagnostic qualité (en l’occurrence le diagnostic participatif d’amélioration, voir sur le site) car il est indispensable de commencer par un diagnostic soigné du dysfonctionnement sous peine de faire n’importe quoi. On gagne souvent à faire faire ce diagnostic par un prestataire extérieur spécialisé, car il est toujours délicat de signaler les dysfonctionnements depuis l’intérieur d’une entreprise, les susceptibilités étant fortes. On peut toutefois souvent apporter toute une foule de petites améliorations sans drames : simplifications administratives, renforcement de la communication, etc… · Tertio, une fois les décisions prises, agir vite et bien, jusqu’au bon fonctionnement rétabli, sans s’embarrasser d’un formalisme excessif (c’est le défaut courant de la qualitique actuelle : au lieu d’agir, on fait une fiche puis des réunions, des compte-rendus, des bilans… et cela traîne…). · Il faut agir également de façon participative, en concertation et en équipe avec les acteurs, car c’est la meilleure méthode pour influer sur les comportements et les états d’esprit. L’action directive a toutes chances de se heurter à des murs… · Dans ce but, le responsable qualité doit travailler sa psychologie, sa compétence en management, sa maîtrise du changement et son relationnel, qui sont au cœur de son métier. La qualité provient en effet en premier lieu de la volonté de chacun de faire bien. L’action qualité doit donc en priorité donner cette envie de perfection à chacun et en créer les conditions. Avant d’agir sur l’organisation ou sur les moyens, il faut agir sur les esprits. Sinon, l’échec est certain. En fait, il y a généralement tant de choses qui peuvent être améliorées dans nos organismes modernes, qui ne soignent plus ni leur organisation ni leurs personnels, que l’action qualité, menée correctement, répond à une vraie nécessité. Le responsable qualité qui sait quitter ses habits de qualiticien normatif pour devenir le confident et l’« améliorateur » de l’entreprise, y gagne un métier très ouvert, agréable et constructif, qui lui ouvre les portes d’une carrière prometteuse. Si vous hésitez, faites appel à un consultant qui vous coachera au début ! CD

lundi 12 mai 2008

Qualité et management : Soyons solidaires avec nos managers !

Actuellement, dans les écrits et discours sur la qualité et l’organisation, le management est mis à toutes les sauces : management de la qualité, de la sécurité, de l’environnement… A les écouter, le manager est responsable de tout et doit tout animer et impulser. Brave bougre ! Supporter unique de chacun, victime expiatoire en cas de difficultés, il doit porter toute l’entreprise sur son dos robuste. Il y a certainement une part de vrai dans cet acharnement (qui n’a rien de thérapeutique). Le « chef » est effectivement celui qui donne les impulsions, les autorisations, les moyens… et rien de sérieux ne peut se faire sans son accord. Mais un chef est bien limité lorsque ses collaborateurs sont peu compétents, peu dynamiques, peu soigneux ou ne partagent pas son projet (il ne faut pas croire qu’il puisse en changer facilement, il doit souvent faire « avec »…). Dans les cas où l’entreprise marche mal, les responsabilités sont en général donc très partagées. Si les décisions ne sont pas prises, si les moyens ne sont pas donnés, c’est couramment soit que le dossier a mal été préparé, soit que des obstacles importants s’y sont opposés. Par ailleurs, le responsable n’est pas aussi libre qu’on le croît communément. Il doit suivre les injections des actionnaires, des administrations, des banques, de la réglementation… et, surtout, des clients et du marché. Pris en tenaille entre les personnels et ses impératifs, ses marges de manœuvres sont généralement très faibles. Les conflits proviennent souvent de l’incompréhension par la base des contraintes externes imposées à l’entreprise. Le manager se sent aussi souvent désarmé devant les conflits entre ses cadres, les faux-procés ou les intérêts divergents des uns et des autres, les négligences, les rumeurs… Il doit aussi « faire avec » et conduire au mieux l’entreprise en dépit des dysfonctionnements qu’il ne peut régler. Donc, le management est affaire complexe et la dialectique actuelle le simplifie et le caricature souvent trop. La notion de « management de la qualité « (ou de la sécurité, etc…) en est en particulier une illustration : elle le limite, selon les normes, à préciser des objectifs (la politique et les objectifs qualité), impulser leur mise en œuvre (la planification), suivre la bonne réalisation des travaux puis en mesurer les résultats via les contrôles, indicateurs et autres audits. C’est déjà beaucoup me direz-vous. Mais, c’est encore une vision « administrative » du management. C’est oublier que le vrai challenge du manager en l’occurrence est de mobiliser son entreprise sur la qualité, c’est-à-dire d’agir sur les esprits et les comportements. Si les personnels se mobilisent pour faire à la perfection leur travail, se mettre au service des clients, s’adapter aux évolutions du marché… tout le reste —objectifs, mise en œuvre, indicateurs…— suit naturellement, voire est accessoire, le « vrai » signe de la réussite étant le sourire des clients et leur fidélisation. Si ce n’est pas le cas, cette gestion (car il s’agit bien de gestion et non de management), reste artificielle : on sort des chiffres, on prend de bonnes résolutions dans les compte-rendus, mais le tout est contredit le jour suivant par des décisions contraires, à la moindre difficulté. La qualité est en effet d'abord à la fois une volonté personnelle de chacun et un élan collectif, à tous les niveaux. C’est la volonté de gagner, parfois de survivre. Et cela demande des efforts, de la rigueur, bref du courage. On peut imposer la qualité sur des points précis, mais la « non-qualité » resurgit alors dans les domaines non contrôlés, quand elle ne reste pas sous-jacente, « pourrissant » l’ambiance et le management. Il ne faut donc pas confondre les causes et les effets, le management et la simple gestion. L’obtention de la qualité passe d'abord par la création d’un état d’esprit, par la mobilisation sur les valeurs, par l’excellence, par la satisfaction des clients… Les actions classiques dans ce sens sont par exemple : - La distinction des meilleurs (vis-à-vis des critères précédents) et leur promotion - Le management participatif vis-à-vis de ceux qui s’impliquent - La dissuasion des déviances, c’est-à-dire la réprobation vis-à-vis de ceux qui ne respectent pas ces orientations - Le maintien d’un esprit de responsabilité, d’ordre et de méthode - L’organisation de la gestion des ressources humaines en support : formations, carrières, salaires, embauches, tutorage et périodes d’essai… afin d’avoir les personnels les plus performants possibles - La formation au management des encadrants - La mise en place d’une bonne communication interne, faisant partager à toute l’entreprise ses enjeux, ses défis, ses problèmes (et ses réussites…). - La promotion « humaine » des personnels, qui doivent trouver un développement personnel dans l’entreprise - L’honnêteté du management (excluons ici les « patrons-malfrats » qui abusent de leur situation pour en retirer des profits exagérés, et qui ne représentent pas la grande majorité de ceux qui essaient de faire prospérer leur boîte tant bien que mal…) - Les groupes d’échanges autour des « valeurs » - Les enquêtes auprès des clients - Etc… Si on veut formaliser quelque peu le processus, on peut ensuite mettre en place la « gestion de la qualité » : indicateurs, objectifs, comité qualité… Cela permet d’encadrer les mauvaise volontés, qui subsisteront de toutes façons (en management, on atteint très rarement l’unanimité) et de maintenir le fer au feu. Mais le manager doit d'abord et avant tout s’intéresser aux hommes et femmes dont il a la responsabilité. C’est par eux et avec eux qu’il peut gagner. Le formalisme de la gestion ne peut être qu’un appoint.

L’objectif est alors l’obtention de l’excellence (car seule l’excellence est rentable commercialement), passage obligatoire vers la réussite et la survie collectives. Tout le monde doit s’y impliquer solidairement, sans tout attendre du manager…

CD