mardi 3 juin 2008

Démarrer puis mener une démarche qualité n’est pas si simple…

Les dirigeants ont souvent l’impression que la démarche qualité se limite à du bon sens. Ils nomment en conséquence comme responsable qualité une personne jugée raisonnable, de confiance, mais sans compétences particulières dans le domaine. Et cette dernière se heurte à toutes les difficultés « classiques » : manque de soutien des services et de la direction, formalisme excessif, isolement… En réalité, mener une démarche qualité est extrêmement difficile et demande beaucoup de doigté, voire de métier. Commençons par le démarrage de la démarche… Ce démarrage est déjà une phase délicate. La démarche va en effet y acquérir une première image qui va jouer un rôle déterminant pour la suite : si elle est ressentie comme attirante et utile, les services adhéreront progressivement et tout ira pour le mieux, si inversement, on comprend mal son utilité pratique et si on la ressent comme imposée, son animation peut devenir une véritable galère. D’où l’importance de ne pas rater le démarrage puis de savoir monter en puissance en maintenant et en renforçant l’intérêt des services et de la direction. Pour cela, il faut savoir gérer la problématique initiale, qui comporte des avantages et des handicaps. Le positif, c’est que tous les salariés, direction comme terrain, sont –au moins sur le plan des principes— toujours avides de travailler mieux et plus facilement, c’est-à-dire de voir résolus les multiples petits ou gros dysfonctionnements qui gênent leur travail quotidiennement : pertes de temps, manque d’information, erreurs, défauts de compétences ou mauvaise volonté de certains… Nos organisations sont percluses de telles gênes (créées d'ailleurs parfois par les démarches qualité elles-mêmes lorsqu’elles sont mal comprises…). Une solution à la fois « motivante » et efficace est donc d’orienter dès le départ la démarche vers ces améliorations. Notons au passage que ce n’est pas le cas d’une démarche orientée vers la certification et la conformité à un référentiel. Faute de lien direct avec les problèmes concrets, la démarche est généralement ressentie comme une contrainte, obligatoire certes, mais une nuisance quand même. Un premier enseignement est donc que, même dans le cas d’une certification, il faut démarrer aussi sur les améliorations et non sur la conformité au référentiel, sous peine d’avoir beaucoup de mal à faire adhérer les services. Les premiers mots de présentation de la démarche sont souvent décisifs. Le responsable qualité doit savoir atteindre la conformité formelle, nécessaire pour être certifié, par cette voie, sans formalisme ni lourdeurs inutiles. Ne croyons en particulier pas que le soutien du directeur soit suffisant. L’amélioration de la qualité touche la mentalité du personnel et l’intimité du fonctionnement des services. Elle nécessite une réelle appropriation de l’objectif, sous peine de dériver vers le simple formalisme. Les solutions directives ne mènent qu’à des solutions coercitives, fondées sur le contrôle, peu productives et peu pérennes. Tout l’art du responsable qualité (ou du consultant) doit donc être de savoir obtenir une adhésion volontaire forte des dirigeants et des personnels. Pour cela la voie la plus simple est de se donner pour objectif l’amélioration du fonctionnement courant et des performances de l’entreprise, en corrigeant les « non-qualités ». On commencera notamment par le plus simples et les plus « visibles » afin de créer l’image positive nécessaire. Puis on continuera en mêlant améliorations concrètes du fonctionnement et actions de fond moins visibles. Le responsable qualité doit savoir créer et maintenir cette dynamique, qui demande tout un savoir-faire (il y est malheureusement souvent mal préparé, sans la formation nécessaire). Le problème n’est toutefois pas résolu pour autant : Améliorer n’est en effet pas facile et rencontre des difficultés :

  • D'abord les résistances de ceux qui « profitent » du dysfonctionnement : exemple : tel directeur ne planifie rien et multiplie les urgences, qui désorganisent les travaux. Cette situation est très confortable pour lui et il n’est pas évident qu’il accepte facilement de modifier ses habitudes.
  • La qualité demande aussi des efforts pour soigner ce que l’on fait, pour être ponctuel, aimable, flexible, rigoureux… Il n’est pas évident que cela soulève un enthousiasme général.
  • Il faut enfin surmonter la crainte du changement, tandis que les évolutions de comportement ne sont pas faciles et demandent du temps.

Alors, comment s’y prendre? Quelques pistes :

  • Pour surmonter les résistances, la certification est une bonne opportunité car elle s’impose et introduit en outre ensuite une mécanique de suivi via les indicateurs et les audits. A condition de bien l’utiliser, c’est-à-dire en évitant le piège de la conformité comme vu ci-avant, elle permet de surmonter des oppositions qui n’auraient pas pu l’être sans elle. Le problème est donc de bien l’utiliser. On trouvera sur ce blog et sur le site abondance d’indications dans ce but.
  • La peur du changement est naturelle : celui-ci est en effet synonyme de nouveaux problèmes et de nouveaux apprentissages pour les intéressés. Surmonter cet obstacle demande de la psychologie et du doigté, de la communication, de l’accompagnement… bref du savoir-faire. Cela s’apprend… Le fond du travail du responsable qualité étant justement de faire évoluer les choses, il est indispensable qu’il devienne un expert en conduite du changement, et donc s’y forme.
  • La qualité demande de la rigueur et des efforts. Il est indispensable d’accompagner la démarche d’une resensibilisation aux valeurs du bon travail : le professionnalisme (méthode, finition…), le souci du client, le travail en équipe, l’esprit de service… Dans le même esprit, il est nécessaire de corriger en parallèle les sources de démotivation du personnel : management maladroit, absence de reconnaissance des efforts…

Ces orientations adoptées, comment procéder en pratique ? Le mieux est de commencer par un diagnostic soigné ou diagnostic participatif d’amélioration (DPA), décrit largement sur le site. Ce diagnostic, qui consiste à interroger le personnel concerné, a pour but d’évaluer d'une part la motivation des intéressés, d'autre part les dysfonctionnements ressentis. On va en déduire la meilleure façon de procéder. Quelques cas-types :

  • La motivation pour le travail est mauvaise, les personnels s’intéressent peu à la réussite de l’entreprise, ils critiquent le management… Il faut analyser les causes de cette situation, les corriger et trouver de nouvelles sources de motivation pour recréer un état d’esprit propice à la démarche. C’est une démarche importante, mais, sans cela, il sera vain (et au minimum très difficile) de poursuivre une démarche d’amélioration réelle. Notons que, face à ce type de situation, la démarche qualité accompagne efficacement les traditionnelles démarches de « reprise en main », en faisant participer le personnel et en évitant que le mécontentement ne dégénère en troubles sociaux. Sans elle, le grand « yaka » classique du haut management (« débrouillez-vous ») a plus de chance d’aboutir à la disparition de l’entreprise qu’à son redressement.
  • La motivation est bonne. On peut alors commencer à construire. On débutera par des améliorations simples et largement demandées, de façon à « prouver » l’utilité de la démarche. On agira rapidement et de façon efficace, sans tomber dans la réunionite ou le formalisme.
  • Les conditions semblent réunies mais le dirigeant s’implique peu et ne donne pas les moyens nécessaires. La cause en est généralement qu’il estime les actions prévues non prioritaires. Le mieux est alors de l’écouter et de partir de ses préoccupations, qui correspondront en général aux « vraies » priorités.

Enfin, retenons les 10 règles d’or de toute bonne démarche :

  1. Viser l’amélioration des objectifs opérationnels (par exemple les ventes dans une société commerciale, la qualité des soins dans un hôpital…) et non la conformité ou même la qualité par elle-même, qui ne doit être que le moyen d’améliorer ces objectifs,
  2. Agir en aide et en complément des « opérationnels » (ceux qui font et sont responsables) au niveau de l’organisation, traiter les problèmes qu’ils n’ont pas les moyens ou le temps de traiter, ne pas se substituer à eux
  3. Améliorer d'abord les états d’esprit et promouvoir les valeurs, avant de faire de l’organisation
  4. Agir de façon participative
  5. Agir avec compétence
  6. Agir avec psychologie
  7. Une fois la solution fixée, agir vite et efficacement
  8. Rester sur le terrain
  9. Utiliser la puissance de l’ « œil neuf » pour forcer les choses, notamment pour le diagnostic initial (il est toujours difficile —et dangereux…— de critiquer de l’intérieur)
  10. Respecter personnellement une éthique sans faille, montrer l’exemple…

En conclusion, si la qualité est l’affaire de tous, réussir une démarche d’amélioration demande une grande compétence et une bonne formation. Savoir réaliser le diagnostic initial, créer et maintenir la dynamique nécessaire, conduire le changement, entretenir la motivation, atteindre la conformité sans en parler… demande du métier et de l’expérience.

L’illusion de croire que c’est simple explique les échecs de nombreuses démarches…

CD