- Pour un même élément, une entreprise est chargée de la réalisation de la structure et l’autre des calculs de résistance. On peut être sûr (loi de Murphy) que les calculs ne seront pas adaptés à la structure finale.
- Pour un même élément, une entreprise est chargée des études et une autre de la réalisation : Il est absolument certain (même loi) que la conception sera mal adaptée à la fabrication, entraînant une forte aggravation des coûts de série
Donc, si on veut échouer, répartir les responsabilités est une recette infaillible.
Assurer une gestion globale (tous acteurs)
Un projet a généralement des incidences sur une masse considérable d’acteurs, depuis le marketing, qui suit le marché et les demandes, les commerciaux, qui se préoccupent des futures ventes, les financiers, les études, les ateliers prototypes, la fabrication, l’après-vente, la logistique, quand ce n’est pas les distributeurs, les sous-traitants, voire parfois les pouvoirs publics…
C’est compliqué, mais si on ne veut pas voir l’un de ces acteurs mettre des bâtons dans les roues, ce qui mettra en route la machine à multiplier les coûts et les retards, il est essentiel de les associer tous au projet d’une façon ou d’une autre, et cela le plus tôt possible, y compris dès les phases de pré-faisabilité initiales.
Il faut aussi sécuriser cette coopération complexe par des écrits responsabilisant les acteurs, afin que leurs dires varient le moins possible dans le temps (ceci rejoint le figeage des spécifications).
On n’obtient pas ce que l’on ne cherche pas. Par exemple, si on ne gère pas dès le début le futur coût unitaire de revient du produit lorsqu’on le commercialisera, il est inévitable que ce coût dérive fortement, rognant ensuite les marges bénéficiaires, voire les annulant.
On évaluera donc de façon continue les coûts et délais de développement à achèvement, les coûts de revient en série, les coûts après-vente, etc.… (cela ne signifie pas qu’on est capable de les évaluer précisément dès le début, simplement on en tiendra compte dans les choix techniques et le degré d’imprécision diminuera dans le temps).
Anticiper et gérer les risques
La meilleure façon d’éviter les risques est de les anticiper. L’un des premiers rôles de l’équipe de projet est donc d’analyser en permanence les risques et de prendre toutes mesures pour les prévenir :
- Risques techniques : on renforcera les études amont, avec des validations progressives, on prévoira éventuellement des solutions de secours développées en parallèle…
- Risques calendaires : on prendra des marges, on suivra particulièrement en amont les travaux concernés, on veillera à un suivi qualité renforcé sur les chemins critiques…
- Risques financiers : on appliquera des précautions similaires aux précédentes sur les tâches particulièrement coûteuses.
- Risques industriels (disparition de partenaires, de compétences, etc.…) : on prévoira, dès que le risque apparaît, des solutions de rechanges.
Une remarque importante : ce n’est pas le coût prévisionnel du projet qui est important mais le coût réel à la fin. Dans un projet qui gère bien les risques, le coût à achèvement diminue dans le temps.
Il est clair en particulier qu’il vaut mieux engager plus d’argent au début, notamment pour soigner les études, que de shunter celles-ci dans l’espoir d’être moins cher.
Seconde remarque : quand je parle d’analyses de risques, je ne pense pas aux AMDEC et autres méthodes complexes qui consistent généralement surtout à noyer le poisson, mais à des analyses concrètes menées par les responsables eux-mêmes.
Les économies sur les études et essais sont les voies les plus efficaces pour obtenir in fine de fortes dérives du projet.
Mettre en place un phasage et une méthodologie éprouvés
Un projet est une mécanique très complexe, comprenant des milliers de tâches interdépendantes, qui doivent s’enchaîner et se coordonner les unes par rapport aux autres de façon parfaite.
Il faut bien entendu planifier avec soin l’ensemble, mais il faut aussi et surtout une méthodologie rigoureuse que je résumerai ainsi :
D'abord un phasage progressif à tous les niveaux, chaque phase étant validée par un point clef : études amont de pré-faisabilité, spécifications fonctionnelles, spécifications détaillées, maquettes, prototypes de développement, prototypes de fabrication, qualification, pré-série, série… (ceci étant à adapter à chaque situation…).
L’important ici n’est pas le papier (les projets sont maintenant submergés de plans de management, d’analyses de risques…) mais bien la logique technique sous-jacente, qui permet de valider progressivement les items développés, de détecter les problèmes et de les corriger.
Chaque phase doit aussi préparer soigneusement la suivante : les études doivent se préoccuper de la fabrication et du SAV par exemple.
Il est en outre important que ces méthodes restent stables. C’est leur permanence qui permettra aux équipes de bien les maîtriser : on montre facilement que des méthodes bien appropriées et bien assimilées permettent de réduire considérablement les coûts et les délais.
Ainsi, on peut réduire par deux, voire plus, les délais de développement d’un équipement une fois que toutes les équipes ont les mêmes langages et les mêmes pratiques, avec en outre un gain très net de qualité.
Assurer un suivi qualité efficace
Je n’entends pas ici la qualité au sens du respect de normes, de méthodes standardisées, de plans de qualité, etc.… J’ai souvent plutôt constaté que, plus on formalise, plus on déresponsabilise et plus on démotive. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas écrire, mais qu’il faut se limiter à écrire ce qui est strictement utile opérationnellement parlant.
L’action qualité doit plutôt consister à accompagner l’analyse des risques et à aider à leur prévention, exemples :
- Un essai est particulièrement coûteux : on mettra en place une forte rigueur pour sa préparation et son exécution
- Un sous-traitant doit réaliser des travaux demandant des compétences poussées : on l’auditera pour vérifier qu’il a bien les moyens et l’expérience nécessaires (je parle d’audits fonctionnels et non pas d’audits de conformité)
- Des paramètres critiques sont difficiles à obtenir : on mettra en place un suivi ciblé et si nécessaire des études renforcées.
Et ce suivi doit être ensuite permanent. Ainsi, pour Airbus, on peut s’étonner que les incohérences entre les bureaux d’études n’aient pas été détectées et réduites dès le début.
En conclusion, les dérives constatées sur les projets s’expliquent la plupart du temps par le non-respect de règles simples : études initiales insuffisantes, partenaires qui ne s’entendent pas, aléas non anticipés, formalisme trop lourd, chef de projet qui n’a pas l’autorité ou l’expérience suffisante, etc.…
Certes, de bonnes pratiques ne garantissent pas le succès. Il y a et il y aura toujours dans les projets des aléas non prévus. Mais, mieux on maîtrise le projet et mieux on peut traiter ces imprévus. C’est même le signe d’une organisation performante que de pouvoir absorber les aléas sans trop de casse.
Et c’est ce qui conduit au succès…
Christian DOUCET
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